Les Amis du Patrimoine de Rognes

 

Le tremblement de terre du 11 juin 1909

Rognes - Les BaraquementsBeaucoup l’ont dit, d’autres l’ont écrit, la météo de ce début juin n’était pas habituelle. Des orages précoces, un temps lourd, étouffant. Quelques anciens auraient même murmuré: « Un temps de tremblement de terre ! ». Prémonition ? Pourquoi pas !

Certains ont bien remarqué un comportement étrange de la part des animaux. Léon Poutet, le correspondant local du « Petit Marseillais » se souvenant des heures précédant la secousse, note: « Les oiseaux volaient bas, faisaient entendre des cris de frayeur. Toutes les bêtes quittèrent leurs demeures et celles qui n’étaient pas libres de le faire, témoignaient ostensiblement de leur frayeur. »

Des chiens hurlaient à la mort. Une inquiétude mal définie planait sur la nature. Peu après 21 heures, alors que d’aucuns se levant tôt sont déjà couchés, un grondement épouvantable, le sol qui s’affaisse, les murs qui s’écroulent, des hurlements de peur, de douleur, et la panique pour ceux qui, dégagés des amoncellements de pierres, de meubles brisés et de gravats, gagnent la rue dans l’obscurité et la poussière épaisse qui les fait suffoquer. Le Foussa est devenu une montagne de ruines, un enchevêtrement de pierres, de poutres et de tuiles. Quelques faibles lueurs de lampes errent dans ce dédale. On s’appelle, on se cherche et beaucoup s’enfuient dans la campagne, loin des murs qui, encore debout, menacent de s’écrouler. Quelques-uns reviennent, commencent les sauvetages et dirigent les blessés vers l’hospice. Sur les aires, derrière les écoles, on allume des feux et la nuit se passe à trembler, sous un violent mistral, de froid et d’inquiétude. Au petit matin, les Rognens découvrent, horrifiés, le visage mutilé de leur village. Les secours s’organisent pour essayer de sauver les parents, les amis, ensevelis sous les décombres, et aussi pour dégager les cadavres.

Rognes, qui s’étageait sur les pentes du Foussa, échappant à la ceinture de remparts, dont les murailles à l’est encore debout le séparaient des terrasses plantées d’oliviers et d’amandiers, Rognes, si pittoresque avec ses goules et ses maisons dorées n’est plus qu’un amoncellement de ruines. Toute la partie haute de l’agglomération est ravagée par le cataclysme.

Plus bas, des toitures ont souffert, des façades sont lézardées, mais dans les habitations relativement épargnées chacun hésite à rentrer chez soi, de crainte de nouvelles secousses. Le presbytère s’est écroulé, I’église est éprouvée et l’hospice où l’on transporte d’abord les blessés est d’une sécurité précaire, I’école est partiellement détruite, la chapelle des Pénitents est dans un triste état, du gros rocher du Foussa un bloc s’est détaché, la fenêtre, elle, a résisté. Quatorze cadavres sont retirés des ruines, au prix de beaucoup de courage et de dévouement. Parmi les sauveteurs, sont cités dans l’album souvenir Fernand Arniaud, Félix Fourment, Hippolyte et Joseph Granon, Jules Soulier, Léon Théry, Etienne Grandi, Albert Roubin, Louis Gaudin, Alphonse Pin, Césaire Granon, Auguste Villevieille, Frédéric Valete, H. Salen, Henri Lézaud, Ernest Fabre et Joseph Garbutty…

Une médaille d’or fut attribuée à Fernand Arniaud pour avoir sauvé personnellement plusieurs personnes.

Des soldats sont envoyés pour aider la population dans les travaux de dégagement des victimes, déblayer les rues impraticables, assister les sinistrés en montant des tentes, et faire sauter les parties dangereuses qui menacent de s’écrouler. De nombreux personnages officiels et toute la population valide participent à la cérémonie impressionnante des obsèques. L’envoyé spécial du « Petit Marseillais » relate : « Le cortège traverse le village au milieu d’une foule dont il est difficle de dépeindre l’émotion. Les cercueils sont portés à bras par quatre hommes. Cela fait un long, très long défilé funèbre. Deux drapeaux suivent. Ce sont celui de la Mairie de Rognes, et celui de la Société Philharmonique. Les membres de cette phalange musicale auraient voulu saluer d’une marche funèbre le parcours des malheureuses victimes. Mais, … sous l’amas de pierres et de décombres, les instruments de musique gisent, aplatis et inutilisables. »
Dans les campagnes aussi les dégâts sont importants. La Chapelle Saint Marcellin s’est écroulée. Sous la bergerie de la Javie 150 moutons, environ, sont ensevelis. Le débit de certaines sources a varié. Le mauvais temps persiste. Durant des jours de nouvelles secousses se font encore sentir. Moins fortes, mais la population effrayée craint d’autres destructions et beaucoup refusent longtemps de coucher sous leur toit.

Des « touristes », alertés par les journaux viennent, en auto ou à vélo, voir sur place l’étendue des dégâts. Imaginons ce que ce serait aujourd’hui, avec l’information par la télévision. Une souscription lancée par « Le Petit Marseillais » apporte une aide à ceux qui ont tout perdu. Grâce à ce même journal des baraquements sont montés sur les aires et permettent de loger 45 familles (158 personnes), à l’abri des intempéries, en attendant la reconstruction.
Celle-ci se fera essentiellement, avec l’aide de soldats maçons et d’ouvriers étrangers, dans le quartier des Ferrages. Des secours officiels s’ajoutent aux aides privées pour permettre à ceux qui ont tout perdu de reprendre une vie normale.
La Croix-Rouge a fait un effort important en déléguant ses  » dames « , qui prodiguent leurs soins et apportent leur soutien moral aux blessés et aux sinistrés.

Les cafés ont très vite réouvert pour accueillir les « visiteurs ». Les terrasses sont pleines, et l’on vend au profit des victimes, une chanson de circonstance dont l’auteur est un sapeur du 7e Génie travaillant sur les lieux.

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